Les vélos adaptés sont conçus pour répondre aux besoins des personnes ayant des limitations physiques ou des besoins spécifiques qui rendent difficile l'utilisation d'un vélo standard. Le développement de l’usage de vélos adaptés est cependant freiné par un défi majeur : le stationnement. Enjeux et perspectives avec les témoignages de Myriam Gallot, propriétaire d’un vélo adapté, Camille Pechoux, qui imagine des solutions pour rendre les mobilités actives plus inclusives, et Nils Hornet, conseiller Alvéole Plus.
Publié le 23 avril 2024Myriam Gallot est atteinte de scléroses en plaque, une maladie qui lui cause des douleurs, de la fatigue et des vertiges et limite ses capacités à se déplacer à pied. Quand la maladie s’est déclarée, son autonomie a été fortement réduite. Cependant, l’acquisition d’un tricycle a transformé son quotidien, lui redonnant une liberté précieuse. Mais, malgré les avantages manifestes de ce mode de déplacement, elle est confrontée à un obstacle majeur : le stationnement.
Dans l'immeuble où elle réside, qui compte une quarantaine d'appartements, il n'existe aucun espace dédié au stationnement des vélos. Myriam est donc contrainte de garer son tricycle dans son garage, exigu, ce qui n'est pas sans difficulté. « Nous avons dû choisir notre voiture en fonction de l'espace disponible pour le vélo. Tout est calculé au millimètre », explique Myriam.
Pour améliorer cette situation, Myriam a proposé un projet de création d'un local à vélos dans sa copropriété. Afin de bénéficier d’un accompagnement et de cofinancements pour son déploiement, elle a fait appel au programme Alvéole Plus, qui propose une prestation de conseil 100 % prise en charge. « Le local proposé pour ce projet mesure seulement 15 mètres carrés, ce qui permet d’implanter seulement une dizaine de places de stationnement, pour 41 logements. En intégrant un emplacement adapté au tricycle de Myriam, cela réduit le nombre à six places standard plus une adaptée. Et rien ne garantit que Myriam aura un accès permanent à cet emplacement spécifique situé dans une partie commune, car il pourrait être occupé par n'importe quel autre copropriétaire », souligne Nils Hornet, conseiller d'Alvéole Plus. Le projet devait être présenté lors d'une Assemblée générale extraordinaire, mais a été suspendu suite à l'annulation de cette réunion.
La problématique du stationnement adapté est d’autant plus complexe qu’il existe autant de besoins que d’usagers. Camille Pechoux, de Praxie Design, une entreprise coopérative de Villeurbanne dédiée au développement de mobilités actives inclusives, illustre cette diversité : « Différents types de publics peuvent avoir besoin d’aménagements spécifiques de stationnement. Cela inclut les personnes avec un handicap permanent ou temporaire, comme une fracture, celles souffrant de maladies chroniques évolutives, ainsi que les familles, les femmes enceintes ou les seniors par exemple. Ces utilisateurs peuvent rencontrer des difficultés pour garer leur vélo en raison du type de vélo qu'ils utilisent, de leur mobilité réduite ou de leur force limitée. »
Pour satisfaire cette diversité de besoins, il est crucial de concevoir des solutions de stationnement flexibles et adaptatives. Camille Pechoux explique : « Aucune solution universelle ne peut répondre à tous les besoins spécifiques liés aux différents types de vélos adaptés, qui incluent notamment les tricycles, les tandems et les vélos cargos. Il est donc essentiel de développer des installations de stationnement qui offrent diverses possibilités. Par exemple, bien que les supports avec des barres au sol soient efficaces pour les vélos cargos et offrent plus d'espace, ils ne sont pas toujours accessibles pour ceux qui ont des difficultés à se pencher. »
Pour faire connaître le stationnement adapté, Praxie Design avait initié en 2021 un centre d’essai à Villeurbanne : « Beaucoup de personnes étaient intéressées, nous avons fait émerger le besoin. Cependant, la grande majorité d’entre elles ont finalement abandonné le projet en raison de difficultés de stationnement à domicile », souligne Camille Pechoux.
Loin de se limiter à leur logement, ces difficultés de stationnement rencontrées par les personnes utilisant des vélos adaptés affectent également leurs déplacements quotidiens. Le coût élevé des vélos adaptés, pouvant aller jusqu’à 10 000 euros, rend cruciale la nécessité de disposer d'options de stationnement sûres pour leurs propriétaires.
Si les stationnements pour les vélos cargos font progressivement leur apparition dans l’espace public, rares sont les initiatives qui considèrent la diversité des besoins associés à la large gamme de vélos adaptés disponibles. « C’est un sujet qui va être amené à se développer dans les années à venir. Avec l'augmentation du nombre de cyclistes, nombreux sont ceux qui opteront pour un vélo adapté pour répondre aux contraintes du quotidien. La demande va exploser dans les prochaines années », souligne Nils Hornet.
Face aux difficultés de stationnement qu’elle rencontre, Myriam Gallot planifie soigneusement ses itinéraires en utilisant la carte des stationnements vélos en ligne de la Métropole de Lyon, afin d'identifier les options disponibles près de ses destinations. Camille Pechoux souligne cet enjeu-clé : « Prenons l'exemple d'une personne qui ne peut marcher que sur de courtes distances. Comment peut-elle être sûre de trouver un stationnement près de sa destination ? Il est essentiel de faciliter la reconnaissance de ces espaces une fois sur place. L'usage de pictogrammes pour les personnes handicapées ne semble pas le plus adapté car il est crucial d'éviter toute stigmatisation. En effet, les personnes âgées utilisant des vélos adaptés vont fuir car elles ne se considèrent pas en situation de handicap ».
Myriam Gallot a été consultée pour apporter son expertise dans le développement de solutions de stationnement adapté pour un hôpital. Malheureusement, ce projet a été abandonné car la direction a jugé que le besoin n'était pas suffisamment établi. Pourtant, Myriam Gallot et Camille Pechoux en sont persuadées : tout comme le développement des pistes cyclables et du stationnement classique, c’est en créant du stationnement adapté qu’on fera émerger un besoin et qu’on pourra véritablement développer la pratique.
Pour faire avancer le sujet, Myriam Gallot est engagée au sein de l’association La Ville à Vélo à Lyon. Elle anime la commission “Vélo pour Toutes et Tous”, visant à promouvoir une approche plus inclusive du vélo. La commission fait notamment un travail de plaidoyer auprès des collectivités pour développer du stationnement adapté et promouvoir une approche plus inclusive du vélo. Son prochain projet ? Organiser une grande véloparade de vélos adaptés.
Le programme Alvéole Plus permet une prise en charge de 40 % des coûts pour l'installation d'équipements de stationnement, pouvant aller jusqu'à 50% dans les zones à faibles émissions (ZFE). Cette aide couvre divers types de stationnements, y compris ceux pour les vélos adaptés. Elle est disponible pour les copropriétés privées, l'habitat social, les écoles et établissements d'enseignement, les espaces et sites publics, les gares et pôles d'intermodalité, ainsi que les espaces pour les livreurs à vélo. Le programme permet également de bénéficier d’une prestation de conseil pour définir le projet.
Pour en savoir plus : https://alveoleplus.fr/programme
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