Comment évaluer les besoins en stationnement pour les vélos ?

Pourquoi est-il important d’évaluer les besoins de stationnements pour les vélos ?

Léa Burger : évaluer adéquatement le besoin de stationnement et y répondre de manière efficace permet de développer la pratique du vélo au quotidien. La crainte du vol et le manque de capacités de stationnement font partie des principaux obstacles à l'utilisation du vélo comme mode de transport régulier. Cette problématique est encore plus prégnante avec la montée en puissance des vélos à assistance électrique (VAE) et des vélos cargos ou longtails, qui représentent un investissement significatif pour leurs propriétaires.

Alexandre Laignel : il n’y a rien de pire qu’un abri vélos qui n’est pas utilisé. C’est un écueil à éviter dans la phase de définition du projet : un espace de stationnement vélo mal pensé… et donc délaissé des usagers. Cela implique une réflexion approfondie sur les publics cibles de ces infrastructures. S'agit-il de résidents, de professionnels travaillant à la journée sur un site, de collégiens ou de visiteurs d'un équipement public ?

Comprendre qui utilisera l'abri et pour quelles raisons permet de concevoir des solutions de stationnement qui seront non seulement utilisées, mais qui encouragent également le développement de la pratique.

Quels sont les principaux facteurs à considérer lors de l'évaluation des besoins en stationnement pour vélos ?

Léa Burger : l'évaluation des besoins en stationnement pour vélos repose sur plusieurs piliers fondamentaux. Tout d'abord, il est essentiel d'évaluer la capacité de stationnement qui vient croiser demande existante (usagers actuels) et besoins à venir. Le développement de stationnements adéquats peut directement encourager une augmentation de la pratique cycliste, d’où la nécessité d’anticiper le développement de la demande.

Avec l'émergence de nouveaux types de vélos, il devient impératif que le stationnement soit en mesure d'accueillir des modèles plus imposants tels que les vélos cargos, longtails, les vélos adaptés pour les personnes en situation de handicap, ou même les vélos plus petits pour enfants, sans oublier les équipements spécifiques comme ceux utilisés en cyclotourisme.

Les contraintes contextuelles, telles que les politiques territoriales liées aux Zones à Faibles Émissions (ZFE) et la question de la qualité de l'air par exemple, influencent également les besoins en stationnement. En créant une contrainte sur l'usage du véhicule motorisé, ces politiques incitent au changement de mode de transport. Il est donc vital de prévoir des solutions de stationnement adaptées pour accueillir ceux qui optent pour le vélo comme alternative.

Alexandre Laignel : pour évaluer les besoins en stationnement pour vélos, un mix d'observation terrain et d'enquête en ligne est essentiel. Sur le terrain, l'observation directe offre une information non déclarative et basée sur les pratiques réelles. Elle permet également de déconstruire certains préjugés et d'obtenir un premier indicateur du nombre réel d'utilisateurs.

Les enquêtes complètent l'observation terrain en interrogeant les potentiels et les appétences d'utilisation du vélo, y compris chez ceux qui ne l'utilisent pas actuellement, ou en recensant des pratiques alternatives (comme le stationnement dans les caves). Ces enquêtes permettent d'évaluer les besoins potentiels et de dimensionner les abris vélos en fonction de la demande réelle et potentielle.

La qualité et la praticité du stationnement sont essentielles pour les utilisateurs quotidiens. Il est important de prévoir des espaces suffisamment grands, bien éclairés, avec des couloirs larges et une pente inférieure à 5°, tout en limitant les obstacles.

Comment intégrer efficacement les solutions de stationnement pour vélos dans l'urbanisme existant ?

Léa Burger : la conformité avec les documents d'urbanisme en vigueur (SCOT, PLU, PLUi) est un aspect fondamental. Il est également important de s’assurer que ces installations s'intègrent harmonieusement dans l'espace urbain. Cela concerne aussi bien la question patrimoniale que la gestion du bruit, notamment dans les copropriétés, car le matériel de stationnement peut impacter la qualité de vie des résidents.

Par ailleurs, cela peut être l’occasion de réaffecter des espaces prévus pour d'autres usages. Transformer un emplacement de stationnement voiture permet d’accueillir jusqu'à huit vélos. En requalifiant ainsi l'espace urbain, on contribue à créer un environnement plus accueillant pour les cyclistes tout en apaisant les villes.

Alexandre Laignel : l'équation de base pour le stationnement des vélos est rapidement posée, avec des normes bien établies : un vélo standard nécessite environ 2 mètres de longueur et 75 cm de largeur pour un stationnement en bataille. Il y a également la possibilité d'opter pour un stationnement vertical grâce à des technologies innovantes qui facilitent le levage du vélo, ce qui permet de varier les scénarios selon les contraintes spécifiques de chaque site.

Dans les projets d'aménagement, notamment dans les copropriétés, l'espace disponible est parfois très restreint. Par ailleurs, il peut y avoir une confusion entre les espaces de stationnement et d'entreposage. Il est essentiel de sensibiliser les copropriétés sur la nécessité de distinguer ces deux fonctions et de gérer efficacement les vélos ventouses ou les épaves, parfois par des opérations de marquage ou en faisant appel à des associations de recyclage.

Pour les zones urbaines denses, une solution envisageable est le stationnement résidentiel de rue, aussi connu sous le terme de stationnement déporté. Cette solution a été expérimentée par la ville de Lille avec des mobiliers de type “huches à pain” réservés aux résidents sur abonnement. Une autre possibilité est le stationnement vertical à étage, qui augmente considérablement la capacité sans empiéter sur l'espace au sol.

Comment évaluer la part modale future ?

Léa Burger : le meilleur moyen d'évaluer la part modale future repose sur l'utilisation de questionnaires ou de sondages. En interrogeant à la fois les usagers actuels et ceux qui passent à proximité d'un espace donné, on peut obtenir des données précieuses sur les potentiels d'évolution de l'usage.

Il est recommandé de prévoir des places de stationnement vélo représentant 10 % de la capacité d’accueil du bâtiment. Pour des projets d’envergure disposant de suffisamment d'espace, ce taux peut être augmenté jusqu'à 30 % de la capacité d'accueil du bâtiment.

Alexandre Laignel : l'évaluation de la part modale future dans le contexte du stationnement pour vélos commence par une considération fondamentale : l'espace disponible. Cet espace va déterminer la capacité de stationnement que nous pouvons créer. Dans les copropriétés par exemple, il est rare de pouvoir mettre en place une offre de stationnement entièrement dimensionnée pour répondre à la demande future.

La loi et les documents d'urbanisme, tels que les plans locaux d'urbanisme (PLU), fixent également des normes pour le nombre de stationnements à aménager pour les nouveaux bâtiments ou lors de rénovations, offrant ainsi une base solide pour la planification (lire notre article sur le sujet). Bien que ces normes soient spécifiquement conçues pour le neuf, elles peuvent également servir de référence pour l'adaptation des espaces anciens.

Quels sont les besoins en termes de sécurisation et les bonnes pratiques ?

Léa Burger : il est essentiel de disposer de supports d'attache robustes, qui permettent la sécurisation du cadre et d’une roue à un point fixe. Les pince-roues, par exemple, sont à éviter car ils ne sécurisent que la roue et les abîment. Les attaches doivent être solidement ancrées dans le sol et conçues pour résister aux intempéries et aux dégradations.

L'éclairage de l'espace de stationnement, particulièrement la nuit, est un facteur de sécurisation indispensable. Le cheminement menant au stationnement doit également être éclairé pour éviter tout sentiment d'insécurité.

Concernant l'emplacement, la proximité immédiate avec un lieu de passage est préférable, car elle procure un sentiment de réassurance aux usagers. Pour les stationnements de longue durée, un local fermé et réglementé, accessible uniquement aux personnes autorisées, peut offrir une sécurité supplémentaire. Les abris ouverts, pour leur part, doivent être accueillants, éclairés et équipés de bons arceaux. L'ajout de dispositifs de consigne, utiles pour le stationnement longue durée et notamment appréciées pour le cyclotourisme, ainsi que de dispositifs de surveillance, peut être envisagé pour renforcer la sécurité et offrir un service supplémentaire.

Toutefois, il est important que la sécurisation n'entrave pas la facilité d'usage. Le processus de stationnement doit être rapide et simple pour ne pas dissuader les cyclistes. Trouver le juste équilibre entre sécurisation et facilité d'usage est essentiel.

Pour aller plus loin : Guide Alvéole Plus pour installer un stationnement sécurisé (PDF, 6,8 Mo)